Je me souviens du soir où il m’attendit, drapé dans mon chèche beige, tapis dans l’ombre pour préserver le secret de notre idylle, au bas de l’escalier pour me souhaiter de doux rêves.
Le temps d’une seconde, il apparut à mes yeux comme un prince charmant sorti tout droit d’un livre de contes…le temps d’une seconde seulement
La vie n’est pas un conte, et nous avons tous déjà senti la morsure de la réalité nous irriter méchamment lorsque le nuage rose éclate et qu’on retombe les deux pieds sur le plancher des vaches. Ou dans mon cas, légèrement en dessous. Vous visualisez le 36ème dessous ? et bien creusez encore, je suis bien plus profond.
On voudrait tous que ca soit simple, avoir l’air casual et décontract, faire languir l’autre et jouer au chat…suis moi, je te fuis, fuis moi je te suis…
certains sont plus doué que d’autres à ce jeu là…
et puis il y a ceux qui n’ont toujours pas compris les règles… tiens, pourquoi quand moi je fuis, il fuit aussi ?
La vie n’est pas non plus un de ces navet américain où le mec le plus populaire et musclé du lycée s’intéresse brusquement et irrépressiblement à la jeune fille insignifiante du premier rang. Parce qu’on n’est pas tous fresh and new, qu’on a tous un passé plus ou moins lourd, et que ces bagages on se les traine qu’on le veuille ou non. Et moi question bagages, j’ai pas choisi l’option petit vaniti à fleurs.
Si seulement ces bagages étaient matériels, il suffirait de s’acheter un bon queschua de 70 litres avec bretelles ajustables, et le tour serait joué. Une fois bien sanglé, on pourrait dévaler tranquillement les escaliers de la vie sans prendre le risque de s’étaler au milieu. Sans avoir besoin de prendre l’ascenseur aussi. Je n’ai jamais aimé les ascenseurs. Surtout lorsqu’ils sont émotionnels. Ils ont ceci en commun avec les vrais qu’on ne tient pas les commandes et que lorsque le mécanisme lâche, la chute est inévitable. Et du septième ciel au 36ème dessous, on a bien le temps de se sentir tomber.
Le truc avec les bagages, c’est que à deux, ca parait toujours beaucoup moins lourd. C’est aussi vrai pour le queschua susnommé accompagné d’une guitare et d’un énorme sac bandoulière, que pour les bagages mentaux. A deux ca se porte beaucoup mieux. Et comme c’est bien connu, les filles ca n’a pas de muscles, ca appelle toujours une copine à la rescousse pour s’enfiler à deux un bac de vanille-caramel-noix de pécan devant wall-e.
Seulement dans les films et les contes y’a toujours un mec dont le grand kiff dans la vie, c’est de porter les bagages des autres. D’une autre, surtout. Que ca soit une maladie grave, un secret de famille ou un mauvais sort, il gonfle ses muscle, fait ruer son destrier devant un soleil couchant et résout tout, et en chanson s’il vous plait, pour peu qu’on soit dans un disney.
Seulement lorsqu’on pèse quarante kilos tout mouillé, c’est vachement plus dur de soulever la moitié du bagage.
Lorsqu’en plus on a la vivacité et le dynamisme d’un panda neurasthénique, ca devient un peu tendu.
Et lorsque y’a plusieurs postulantes pour le rôle de la demoiselle trop chargée, là ca passe du disney au sitcom, avec dialogues dignes d’un élève de cm2 et un scénar’ à rebondissements où on découvre que, tadaaa !, les deux jumeaux ont des pères différents, en fait John a trompé Lisa avec sa sœur, et Brendon hésite entre Brenda et Brendette.
Ouais, ca vend du rêve.
Lorsqu’il n’y a plus de mots…
qu'il faut faire face à l'inévitable...
écouter l'autre respirer à l'autre bout du combiné pour ne pas raccrocher
lorsque tout a été dit mais que l'on voudrait voler quelques secondes encore...
et puisqu'on parle de disney :
“Don't wanna leave it all behind
But I get my hopes up
and I watch them fall everytime
[...]
we might find our place in this world someday
At least for now, I gotta go my own way”
J’aimerais avoir un jour assez de cran pour prendre seule ce genre de décision
En attendant, je remonte mes murailles pierre à pierre, encore un cran plus haut
"décide qui de nous deux restera lucide, de l'eau dans les yeux...
je franchis le pas"
[Aldebert]